Aymeraude du Couëdic « Big Mother »
Diplômée de La Cambre, Aymeraude du Couëdic (1995) travaille uniquement en noir et blanc. Cette perte d’information chromatique évoque l’uniformisation des individus, tous assujettis aux exigences d’un regard normalisé. Au travers de l’essor du monde numérique, elle traite principalement le sujet de la foule silencieuse, du passage et du passant.
Son travail se développe en arborescence, il s’agit toujours d’une structure évolutive. Tout élément peut affecter ou influencer un autre. C’est la participation à un monde en devenir, sans savoir vraiment ce qu’il devient.
L’installation Big Mother interprète le panoptique, un type d’architecture carcérale imaginée par le philosophe Jeremy Bentham. Il s’agit d’un dispositif qui donne aux détenus le sentiment d’être observés sans en avoir continuellement conscience. La surveillance n’a plus besoin d’être effective pour être efficace.
Michel Foucault en fait le modèle abstrait d’une société disciplinaire axée sur le contrôle social. L’état décrit par Foucault devient de plus en plus tangible. Les caméras de surveillance, les passeports biométriques, les fichages numériques… loin de contribuer à une émancipation de l’Humanité conduisent de plus en plus à un contrôle organisé comme par exemple à travers la reconnaissance faciale et le crédit social qui régissent le quotidien des citoyens chinois.
Les cookies permettent aux publicitaires de nous suggérer des produits qui nous « correspondent ». Google connait chacun de nos déplacements, mais trouver son itinéraire instantanément est bien plus pratique que de déplier une carte. Le bracelet électronique d’hier est le GPS d’aujourd’hui. Mais cet accès au numérique dans notre quotidien et la facilité à trouver l’information en un clic se désignent pour notre bien. C’est un pouvoir maternant qui prévoit et anticipe nos besoins. Il nous berce pour mieux nous rapprocher d’une dystopie sécuritaire.
L’installation présente une marche circulaire de personnages. Au travers de la procession, le fond noir isole l’individu. Phare artificiel dans le noir, nous nous engouffrons progressivement dans cette vision de la société contemporaine.
La prison existe aujourd’hui à ciel ouvert. Une prison où nous pouvons circuler et bouger, où nous décidons par nous-mêmes de nous enfermer et dont l’issue semble impossible.